décembre 25

Est-ce qu’on grossit pendant les fêtes ?

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Est-ce qu’on grossit pendant les fêtes ?

La période des fêtes de fin d’année est souvent un moment où les considérations diététiques sont loin d’être une priorité, avec l’enchaînement de repas riches et denses, un grand nombre d’entre vous se disant qu’il sera de toute façon bien temps de reprendre des habitudes saines avec les bonnes résolutions de la nouvelle année. Mais est-ce que l’on grossit réellement pendant les fêtes ou est-ce une vue de l’esprit ? C’est ce que nous allons voir dans cet article, afin de vous donner quelques clés de réflexion, sans chercher à vous culpabiliser bien entendu.

1- Grossit-on vraiment ?

Pour répondre à cette question, des chercheurs finlandais ont récupéré les données de près de 3000 personnes, qui se sont pesées quotidiennement sur des balances connectées (de la marque Withings), et ce dans 3 pays – Allemagne, Etats-Unis et Japon. C’est une étude très pertinente car jusqu’à présent, les chiffres disponibles sur le surpoids étaient souvent des tendances sur plusieurs années, sans cette granularité saisonnière. Sur la figure 1, vous pouvez voir le résultat de la synthèse de ces données, en % de variation du poids moyen de l’année. Il apparaît clairement que la période des fêtes est LE moment de la prise de poids la plus importante de l’année, quel que soit le pays. On voit notamment clairement qu’aux Etats-Unis, la courbe ascendante débute fin novembre au moment de Thanksgiving et repart fin décembre. En Allemagne, la majorité de la prise de poids se fait aussi autour de Noël et du nouvel an, avec un petit pic à Pâques. On pourrait penser que cela est aussi dû à l’hiver, comme si l’on avait encore besoin de s’engraisser avant d’hiberner, mais le cas du Japon montre bien que cette hypothèse est fausse, une bonne part de la prise de poids chez eux se faisant pendant la « golden week au printemps, la principale fête nationale.

Figure 1 : variation du poids en année glissante (01/08 au 31/07) par pays
Source : Helander E., et al. Weight Gain over the Holidays in Three Countries. N Engl J Med. 2016 Sep 22;375(12):1200-2.

Indépendamment de la saison, il est donc clair que les fêtes sont le principal facteur de la prise de poids, ce qui n’a rien d’extraordinaire étant donné que pendant ces périodes, nous avons tendance à manger et à boire bien plus qu’habituellement. Le résultat, comme démontré par cette étude, est que, bien qu’une partie du poids pris pendant les fêtes soit perdu les mois souvent, presque la moitié reste stockée, menant à une lente mais constante prise de poids sur le long terme. Si par exemple vous prenez 2 kilos chaque année fin décembre, et que vous en perdez un les semaines suivantes, cela peut représenter tout de même 10 kilos de plus sur la balance au bout de 10 ans. Sachant que les participants à cette étude sont certainement en plus des personnes faisant plus attention à leur poids que la moyenne, les variations sont peut-être encore plus importantes dans d’autres segments de la population.

2- Pourquoi on grossit ?

Regardons maintenant rapidement l’origine de cette prise de poids, et si elle est due exclusivement à une prise de gras. En faisant une moyenne des plats typiques au moment des fêtes (dinde, marrons, bûche, alcool, etc.), on peut estimer à environ 1000 kcal en moyenne l’énergie supplémentaire avalée les jours de fêtes (qui sont au minimum au nombre de 2, Noël et Nouvel An, avec pour beaucoup quelques jours un peu plus chargés qu’à l’habitude entre les 2). Ce surplus calorique n’est pas automatiquement entièrement stocké, une bonne partie étant aussi évacuée sous forme de chaleur (une augmentation des repas sur une courte période entraîne cela, contrairement à un accroissement des apports sur une plus longue période, qui elle entraînera une plus grande prise de poids).

D’autre part, pour un même surplus calorique, tout le monde ne va les métaboliser de la même manière, comme démontré par la célèbre étude du Dr. Claude Bouchard (1990) qui avait recruté avec son équipe 12 paires de jumeaux (hommes) identiques, déterminé leur besoin énergétique pour maintenir leur poids et a augmenté les apports de chacun d’entre eux de 1000 kcal par jour pendant 84 jours. Tous les participants ont gagné du poids mais avec des variations importantes, les gains allant de 4,3 kg à 13 kg. Le point intéressant est qu’autant il y avait une variabilité entre les paires de jumeaux, autant la prise de poids était remarquablement similaire au sein de ces paires – si par exemple un participant gagnait 7 kg au niveau abdominal, son jumeau avait gagné à peu près le même poids au même endroit. D’autres travaux du même type vont par la suite confirmer ce rôle de la génétique, mais nous avons affaire ici à un facteur « aggravant » et non pas à une cause originelle qui reste bien entendu l’augmentation des apports énergétiques.
Les différents macronutriments ne vont pas non plus avoir le même effet. Nous savons par exemple depuis longtemps que les protéines sont bien plus rassasiantes que les glucides et lipides, avec un effet positif sur la thermogénèse. Une augmentation significative des apports en glucides aura un effet différent suivant les individus, une partie pouvant être stockée sous forme de glycogène musculaire si vos réserves ne sont pas pleines (si vous avez fait une séance de sport juste avant par exemple). L’excès énergétique sous forme de lipides ou d’alcool aura lui plus de facilité à se stocker (je parle de l’excès calorique, les lipides n’étant bien sûr pas obésogène par nature).

Si vous vous pesez un lendemain de fête, vous aurez peut-être la surprise de voir une prise pouvant aller jusqu’à 2 ou 3 kilos ! Bien entendu, vous n’avez pas pris 3 kilos de gras en 24 heures, heureusement ! Une partie de ce poids supplémentaire peut venir d’une rétention d’eau, avec un repas plus salé que d’habitude ou plus riche en glucides (le glucose du glycogène étant stocké avec de l’eau), ou d’une digestion qui n’est pas encore finie (=évacuation par les urines et les selles). Une fois éliminé ces facteurs, si prise de gras il y a, elle ne peut représenter que 100 ou 200 grammes tout au plus en un laps de temps si court. Le problème va donc venir de la répétition de cet excès calorique sur les jours suivants. Mais pourquoi ne seriez-vous pas capable de vous restreindre et de revenir à des quantités normales dès le 26 décembre par exemple ?

3- Le rôle du cerveau

Le cerveau humain est le fruit de millions d’années d’évolution, avec certains mécanismes ayant permis la survie de nos ancêtres, et qui sont encore présents aujourd’hui. L’un de ceux-ci est le « système de récompense », qui nous motive à adopter les comportements qui sont positifs pour notre survie et notre reproduction. Du point de vue de l’alimentation, cela nous incite à rechercher les aliments denses en énergie, en gras, en sucre et en protéines. Niveau prise de poids, il n’y avait pas trop de risque pour nos ancêtres à partir du moment où la recherche de ces produits demandait toujours un effort physique non-négligeable (chasse-cueillette, puis agriculture-élevage). Mais le cerveau humain étant fondamentalement opportuniste, il nous poussera toujours à rechercher le meilleur compromis, à savoir la plus grosse récompense pour le moindre effort. Si de la nourriture « attrayante » (dans le sens de la gratification instantanée, d’une forte palatabilité et d’une belle densité calorique) est facilement accessible (comme sur la table du buffet à Noël et au Nouvel An), votre cerveau va vous pousser à en tirer avantage et à aller au-delà de votre satiété habituelle.

Un autre mécanisme, l’habituation, rentre également en jeu : notre satiété est aussi dépendante de chaque aliment, c’est-à-dire qu’à quantité égale, vous vous sentirez plus rapidement « plein » avec un aliment unique qu’avec une grande diversité d’aliments. Les repas de fêtes étant caractérisés par un grand assortiment de plats différents, c’est également l’une des sources de cet excès alimentaire de cette période.

4- Que faire ?

A partir de là, et sans vouloir vous gâcher vos fêtes, nous pouvons dégager quelques conclusions pratiques :

  • Il sera toujours beaucoup plus facile de ne pas prendre du poids que d’espérer le perdre par la suite (comme démontré par la première étude citée). C’est un point important à retenir comme facteur de motivation 😉
  • Un excès sur une seule journée ne sera jamais dramatique, c’est la répétition sur plusieurs jours qui pourra commencer à être problématique. En-dehors des 2 repas principaux par exemple pendant les fêtes de fin d’année (Noël et Nouvel An), créez-vous un environnement éliminant tout ce qui pourrait activer votre « système de récompense ». Eliminez tous les produits industriels denses en calories, si vous avez des restes de repas de fête (bûche, etc.), essayez d’en donner au maximum à votre entourage, ou au pire de les congeler pour les répartir sur les semaines suivantes.
  • Attention à « l’effet buffet » : essayez de faire vos repas les plus simples possibles en terme de nombre de plats (si c’est vous en cuisine), sinon concentrez-vous juste quelques plats pour diminuer les chances d’une surconsommation (s’il y a par exemple 3 desserts au choix, n’en prenez qu’un seul, quitte à avoir envie de vous resservir). Plus vous goûterez à des saveurs différentes au cours d’un même repas (salée, sucrée, gras, etc.), plus il sera facile de surconsommer.
  • Commencez par les protéines : des trois macronutriments, les protéines sont clairement le plus rassasiant par rapport aux glucides et lipides. Toutes les études (sérieuses) faites pour comparer les effets d’une surconsommation des différents macros (si on donne par exemple aux gens 1000 kcal en plus de glucides, lipides ou protéines, quelles différences dans la prise de poids ?), la surconsommation de lipides ou de glucides donnent au final les mêmes résultats (=ce qui compte avant tout, ce sont donc les calories), mais la surconsommation de protéines entraîne une prise de poids bien inférieure en moyenne, d’autant plus si vous êtes déjà sportif. Conclusion pratique : commencez si possible votre repas par les aliments protéinés (animales ou végétales), cela vous rassasiera plus et empêchera plus facilement la surconsommation des autres plats.

Encore une fois, le but ici n’est pas de vous rendre « orthorexique » dans cette période qui se veut festive, mais de simplement vous donner quelques clés de compréhension, pour vous montrer notamment que la simplicité en alimentation a toujours du bon. Nous reparlerons sur sujet de la prise de poids et de l’obésité beaucoup plus en détail à la rentrée afin de démarrer l’année du bon pied.

Note : cet article m’a été très fortement inspiré par celui de Stephan Guyenet sur son blog, que j’ai un peu adapté à ma sauce, blog que je vous conseille vivement si vous êtes passionné de nutrition.

Références : 

 

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  • J’ai arrêté les repas plantureux pendant les fêtes parce que j’en avais marre d’être barbouillée les jours suivants. Par contre j’utilise des produits plus goûteux, plus coûteux, qui me font plus plaisir que les repas du quotidien.
    Généralement je ne mange pas de dessert juste après le repas ( je le mange au goûter ) et surtout j’écoute ma sensation de satiété.

  • Bonjour Benjamin!
    Merci beaucoup pour cet article qui ressemble exactement à ce que j’ai vécu chez mes grands-parents.
    Petite question: Quand je recherche l’article sur les produits laitiers, je trouve son lien mais en cliquant dessus je retombe automatiquement sur la page d’accueil du site. C’est normal?

  • Bonjour Benjamin,
    D’abord merci pour ce travail remarquable !!! J’aurai néanmoins une question : les inscriptions au programme naturacademy vont-elles reprendre un jour ? Merci d’avance. Bonne soirée.

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